Cette fic est un genre de grisant faut croire. Quand le reste bloque, elle débloque, et vice-versa faut croire. Du moins j'espère, j'ai des tounes, une autre fic et une pièce de théâtre à piloter.
Allez, on se lance.

Ciel dégagé, étoiles et lune brillants comme tout autant de mouches à feu, hédoniste et perfectionniste la nuit s'était faite parfaite en faisant même siffler une brise qui venait balayer les remords et les mauvaises pensées. Gonzo dirigeait la barre et nous amenait à bon port mais, comme il était discret, absorbé comme je l'étais par ce magnifique horizon plat j'aurais pu croire que le bateau se dirigeait seul. Peut-être Gonzo appréciait-il aussi de son côté cette magnifique pénombre, ou peut-être était-ce tout simplement qu'il ne parlait que très peu. Je soupirai et chantonna un petit air de ballade que je croyais adéquat, interrompue uniquement plusieurs longues secondes plus tard par des pas sur le pont.
C'était sœurette ornée de sa couronne de fleurs qui trottait vers l'extrémité du pont. Elle s'arrêta à a peine quelques pas vers ma droite et, sans m'adresser un seul regard, encore moins une seule parole, elle se plaça les bras croisés sur la balustrade et fixa l'horizon. Nous regardions tout deux au loin et pourtant je savais très bien qu'une éternité séparait nos regards. Elle regardait ce qui avait été alors que je regardais le futur, tentant sans succès de trouver son île du regard alors que moi je cherchais un point où il n'y en avait pas. Je me suis retourné.
"Tu gardes toujours cette couronne n'est-ce pas?"
Elle hocha la tête, puis plus rien.
"Tu devrais immerger ces fleurs au moins...non?"
Enfin elle se retourna, pas trop sûr de ce qu'il devrait de mon sot commentaire. Je me sentis obligé de continuer.
"Laisse tomber, de toute façon on est quasiment à pleine pénombre et je vais bientôt rentrer, je t’aurai préparé un flacon."
Je fixai à nouveau l'horizon, mais je crois que le cœur n'y était plus.
"Tu t'ennuis de cette île n’est-ce pas…de tes amis itou?"
Cette fois, il n'y eut ni hochement ni paroles échangées en silence. Muette, elle est restée sur place. J’ai préféré rentrer.
***
De la voir ainsi jouer parmi ceux de son âge me fit douter. Loin des canons et des épées, de la fourberie et de la piraterie, elle devenait une petite fille comme les autres. Bah, peut-être un peu plus forte, taillée par les éléments, mais sinon l’illusion était telle que j’aurais bien voulu y croire comme les passants. Enfin, au moins pourrait-elle profiter de ces quelques heures le temps de remettre le bateau en état, et les marins aussi d’ailleurs qui devaient siroter une bière fameuse à la taverne du coin. Les rejoindre semblait un plan tout aussi fameux et, alors que je tournais la tête pour m’assurer que la petite était à porté de vue de Gonzo et que le bougre était alerte au poste, je vis qu’une fillette, à peine plus âgé que ma sœur, revenait la voir avec une couronne de fleurs en main.
***
Le bar était bien rempli mais un banc restait libre face au comptoir. Le barman astiquait ses vers de façon méticuleuse, en parfaite communion avec la verrerie, tant et tellement qu’il fallu que je répète plusieurs fois la commande : un verre de bonne broue. Enfin la boisson glissa de mon côté et je le saisi d’une poigne ferme. J’étais connu en ces lieux, on savait comment j’aimais ma consommation : généreuse et en silence. Deux gars sont assis à une table tout près. L’un fait signe à l’autre et je crois comprendre qu’ils parlent de moi. Je regarde tout ça du coin de l’œil et, me disant que ce n’est rien, retourne à ma bière. On me prend l’épaule et je me redresse.
« La mioche là-bas avec la couronne, t’as connaît? »
Je me retourne et je tombe face à face avec le profil type de la face à claque. L’haleine déplaisante, le sourire en coin et le mépris dans les yeux, tout ça m’amène à vouloir me séparer au plus vite de ce gêneur.
« Oui, c’est ma sœur, pourquoi? »
Son sourire se retrousse encore plus (moi qui aurait cru ça impossible) alors que son compagnon s’approche les bras croisés.
« Tu vois, on n’aime pas trop les pirates par ici, pareil pour leurs famille. La fille qui joue avec ta sœur, c’est ma fillette, et je n’apprécie pas trop qu’elle traîne avec de la mauvaise graine. »
Moi poing se serre.
« Tu sais qui je suis? »
« Non, mais je sais que t’es mort si t’as pas quitté l’île au plus sacrant. »
Un silence de mort tombe sur le bar. Le barman n’astique plus ses verres par réflexe, mais plutôt sous le poids du stress. Mon regard est figé, plongé dans celui-ci du malabar.
« Et emmène dont ta batarde de sœur avec toi. »
Je le quitte des yeux, croisant ceux du barman. Il me prit du regard de partir poliment, sans rien dire. Je souris. Je me lève et les deux bougres rient allègrement, se moquant et me traitant de femmelette. L’un d’eux pousse un commentaire à l’endroit du second, il ne m’échappe pas.
« En espérant que cette salope à en devenir aura pas contaminé ma fille. »
Je souris à nouveau, mais mon sourire est crispé. Je continue à m’éloigner, jusqu’à-ce que je tombe face à une bouteille vide. Je ferme les yeux, ma main saisi la bouteille. Quelques secondes plus tard ma bouteille vient se fracasser sur la tête de la grande gueule. Le deuxième, surpris, se lève pour m’empoigner mes je stoppe son geste en dégageant un canon-à-main de mon manteau. Le barman est figé, plusieurs clients ont la tête sur le comptoir, d’autre ne savent pas trop comment réagir. Je ne baisse mon arme qu’une fois la porte franchis, ensuite, je cours.
***
« Comment ça on ne peut plus revenir! »
La sœurette laisse tomber toute sa colère sur moi, comme une pluie de grêlons intraitables. Il m’a fallu une poignée de minutes à peine pour l’arracher à ses jeux d’enfant et mettre les voiles. Surprise d’abord, enragée ensuite, elle n’avait pas voulu quitter l’île, trop heureuse de pouvoir jouer avec des enfants de son âge, chose qu’elle ne faisait que très rarement. Elle avait fait une scène, criant et protestant quand je l’avais pris sur mon épaule, la couronne de fleurs encore sur la tête, ne lui laissant aucune chance. Je ne pensais qu’à la mettre en sécurité des conséquences d’actions que j’avais moi-même entreprise sans trop penser. Tout était ma faute et elle ne cessait de me rappeler.
« Pourquoi t’as fait ça, pourquoi faut partir? Pourquoi! »
Je tente de résonner avec elle mais je ne fais qu’empirer la situation. Je m’approche pour l’enlacer, la prendre mes bras, mais elle me repousse violement, du moins aussi violement qu’elle le peut du haut de ses huit ans. Elle me pousse à nouveau, à moitié en pleurs, en moitié enragée. Elle cri en ma direction alors que je m’éloigne démolit :
« Je te hais! »
Je suis déjà loin, mais ces paroles résonnent si fort en moi que pour la première depuis longtemps, je doute. [/i]